Interview exclusive de Jean-Pierre Pernaut
- clementbargain
- Sep 20, 2013
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Jean-Pierre Pernaut, présentateur du journal de 13 heures de TF1 depuis 25 ans, revient sur son parcours et son métier. Rencontre exceptionnelle!
D’où vous est venue l’idée de devenir journaliste ?
Quand j’étais tout petit, j’habitais un petit village en Picardie. Je n’avais aucun contact avec la presse. Mon père était ingénieur, ma mère pharmacienne et mon frère faisait des études de médecine. Il n’y a donc aucun rapport avec le journalisme mais l’envie et la curiosité m’ont amené à découper des articles, faire des dossiers de presse lorsque j’avais 10-12 ans. J’avais vraiment une curiosité pour l’actualité. J’ai été aussi rédacteur en chef, avec mon instituteur, du petit journal de mon village. On préparait tous les samedis le journal de la commune. Après, cela a été l’envie de faire des études supérieures dans ce domaine. J’ai donc fait une école de journalisme et de stages en stages, je suis arrivé à la télévision.
Jean-Pierre Pernaut, c’est avant tout la personnalité d’un journaliste né en Picardie et attaché à sa région ?
C’est l’intérêt des régions. Pas parce que je suis né en Picardie, mais parce que j’ai fait mes premiers pas de journaliste à la station locale de Amiens Picardie qui dépendait à l’époque de l’ORTF. J’avais également fait des stages au Courrier Picard. J’avais aussi fait un stage à France Inter et le rédacteur en chef de la station de radio a été nommé rédacteur en chef de TF1 quand la chaîne s’est créée. Il m’a appelé pour que je le rejoigne à TF1. La proximité est sans doute dans mes gênes mais c’est surtout le fait de ne pas être un journaliste formé à Paris, dans le cocon des hommes politiques ou des institutions. C’est le journalisme de terrain qui m’a toujours intéressé. Quand je suis arrivé en 1988, on a commencé à créer un réseau de correspondants en région, chose que la télévision nationale n’avait pas. Il était pour moi indispensable de créer ce réseau pour faire le journal sur notre pays. Aujourd’hui, ce réseau, c’est 20 bureaux et 150 journalistes qui travaillent en permanence pour nous. Ils racontent la vie telle qu’elle est.
Etre au plus proche des préoccupations des Français doit impliquer quelques choix éditoriaux… Comment se déroule la sélection des sujets du 13 heures ?
Il n’y a pas de critères. Le journalisme est un métier de choix, on en fait en permanence. Il y a des millions d’informations chaque jour. Pour le journal, on n’en retient que 19 ou 20. On retient ces informations par rapport à une ligne éditoriale du journal qui est destinée à une heure donnée et à un public donné. A 13 heures, c’est un public qui vit dans les petites villes et qui rentre déjeuner chez lui. Nos téléspectateurs sont plus majoritairement âgés et vivent à la campagne et dans les petites villes. C’est tous les gens qui rentrent manger chez eux le midi. Ce n’est pas le même public à 20 heures, ni à 23 heures. Les choix que l’ont fait correspondent à ce public. Le 13 heures de TF1 est donc un journal très large au niveau du public mais nos téléspectateurs sont plus à la campagne et dans les petites villes.
Vous devez être sous pression tous les matins…
On a 4 heures pour préparer 18 sujets. Quelques uns sont préparés à l’avance mais nous en fabriquons quand même une dizaine chaque jmatin. C’est un rythme intense.
Cette année, vous avez fêté vos 25 ans de journal télévisé, que ressentez-vous ?
Oui, première moitié ! [Rires] C’est la fierté de continuer, de garder la forme et d’avoir un journal qui continue de fonctionner. La personnalité que j’ai pu apporter dans le journal est toujours là, les rédactions travaillent beaucoup et le journal se modernise avec les années.
Elise Lucet avouait il y a quelques jours qu’il était « difficile de lutter contre Jean-Pierre Pernaut », qu’est-ce qui différencie ces deux journaux des deux principales chaînes de télévision ?
Je ne sais pas, son journal étant face au notre, je le regarde assez peu. Nos critères de choix pour le 13 heures de TF1, c’est la vie des gens. C’est une notion de service que nous avons sans doute plus développé que d’autres chaines. Depuis 25 ans, j’essaie de ne pas être un relais d’institution mais un médiateur entre les institutions et les citoyens. Je pense qu’en 25 ans, nous avons pris de l’avance, ne serait-ce que sur les correspondants en région.
La direction de TF1 vous fait confiance depuis 25 ans, un soutien sans faille…
On donne satisfaction car les résultats d’audience sont là. A 13 heures, un téléspectateur sur deux appuie sur le premier bouton de sa télécommande. C’est aussi parce que c’est un journal sérieux qui traite des grands événements internationaux mais aussi de la vie des Français avec en prime à la fin du journal, un magazine sur le patrimoine et les cultures régionales. C’est donc trois éléments : l’actualité importante qui nous concerne, la partie sociétale du journal et la partie magazine de la fin.
Quelles ont été les évolutions de ce rendez-vous d’information ?
Les évolutions sont permanentes. Les plus importantes sont les évolutions techniques et technologiques. Quand je suis arrivé, la télé se tournait en film et en noir et blanc ! Ensuite, il y a eu l’arrivée de la couleur, de la vidéo, de l’informatique… Tout cela a fait évoluer la manière de traiter l’information. L’information va beaucoup plus vite aujourd’hui. Nous diffusons 100 reportages par semaine, c'est-à-dire 400 reportages par mois !
Si vous ne deviez que retenir quelques moments de votre carrière, lesquels seraient les plus beaux ?
Tous les moments où on vit une actualité forte. Ce sont les moments qui marquent l’histoire et où on est présent. C’est par exemple la chute du mur de Berlin, les attentas du 11 septembre 2001, les élections de présidents... On découvre ces images en direct et on doit les commenter, on a le sentiment d’être témoin privilégié de toute cette histoire qui se passe. Mais les plus beaux moments sont aussi ceux que nous apportons dans le journal, la beauté de certaines images : l’émotion, la vie.
Quelles sont vos passions, vos loisirs préférés ?
J’en ai plein ! Ma première passion, c’est mes 4 enfants. Sinon, je passe beaucoup de temps dans mon jardin, ça remet la tête sur les épaules et ça permet de voir les saisons qui passent et qui sont plus importantes que toutes les bêtises que l’on peut nous raconter ! A côté de cela, en passion différente, j’ai le sport automobile. J’en fait beaucoup avec mon fils aîné et ma femme Nathalie. Je me suis lancé dans ce sport depuis une dizaine d’années. Je fais le trophée Andros de course sur glace et quelques autres circuits en été. Plus récemment, je me suis aussi lancé dans le théâtre avec mon épouse qui est comédienne. Nous avons coécrit une pièce qui s’appelle « Piège à Matignon ». Depuis deux ans, cette pièce cartonne.
L’info, c’est en permanence. N’avez-vous pas parfois envie de vous consacrer à d’autres projets ?
Ma force, c’est que j’arrive à décrocher. Je ne reste pas connecté à l’actualité ! Le week-end, je décroche, je ne regarde pas les audiences, les infos… Quand je pars en vacances, je n’ai pas de téléphone, pas d’ordinateur, pas de télévision. J’arrive à décrocher et c’est pour ça que je suis encore là aujourd’hui.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Je n’ai jamais envisagé l’avenir, je n’ai jamais eu de plan de carrière. Au départ, je suis venu là pour huit jours et j’y suis encore aujourd’hui. On vit la vie telle qu’elle vient et on essaie de saisir toutes les possibilités qu’elle offre. Je n’aurais jamais imaginé écrire une pièce de théâtre un jour par exemple ! Je publie tous les ans des livres chez Michel Lafon sur les beautés et les richesses régionales, je ne sais pas si j’aurais encore envie d’en écrire l’an prochain. Si demain matin je m’ennuie au journal, j’arrête. Et puis ce n’est pas moi qui vais décider mais mon patron et les téléspectateurs.
Avez-vous un rêve que vous n’avez encore jamais réalisé ?
J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie ! J’ai été présentateur de l’émission « Combien ça coûte », émission qui a duré 19 ans. Si je pouvais avoir un rêve, ça serait de reprendre cette émission. C’est à mon avis plus que jamais au cœur de l’actualité et des préoccupations des Français. Un autre rêve : battre Alain Prost au trophée Andros, mais ça je peux en rêver longtemps ! [Rires] Mais je ne suis pas un rêveur, ça vient quand ça peut. Peut-être qu’un jour je ferai du cinéma, du théâtre, peut-être que j’écrirai un film… On ne sait pas !

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